Les écrits de Pascal Ulrich
Extrait de « Patchwork » (Editions les Deux-Siciles)
Un
ouragan de détresse envahit le continent et pendant que les anges passent, que
la duchesse se lave les pieds, que le voisin fou furieux écrase un mégot dans
l’œil de son chien Horace, quand la comédie jouée par la compagnie du désastre
mental est finie, finie et que je palpe les valves vitrifiées au vinaigre des
ténèbres, que le coq pond un œuf, que je marécage dans un tableau de Bosch, que
j’éjacule des Merlins enchanteurs, que je vais dans la salle du fond embrasser
l’œil de l’acrobate, l’acrobate balourd hypertrophié des jointures et des sens,
que j’exprime mes sincères condoléances à ce pauvre Max qui a perdu l’envie de
rire, de chanter et de raconter des sornettes et qui ne sait pas que tout est
illusion jusqu’à la serviette qu’il a autour du cou (car c’est l’heure de la
soupe), que je lime les cimes, que je façonne des silences et des
interrogations gazeuses, follement, que, tombant du troisième étage, je réalise
que je suis immortel et curieusement affublé d’un chapeau pointu à deux
endroits, un bicorne en sorte assorti de guêtres et d’une épouvantable odeur de
poisson tout droit sortie d’un tableau cubiste.
A
présent c’est bon, vous pouvez la prendre la photo.
9
janvier 2000
Extrait de "Visite à Terre Cabade"
Rimbaud recueils
Juin 2006
III
Il n’y a pas d’issue
les masques tombent
un après l’autre
la certitude et le doute
toisent la volonté de dire
et c’est le précipice
qui se prépare
dans la quatrième division
où un trépassé plus sombre
qu’un croque-mort au bal
se prépare à moucher
un ressuscité en avance
sur l’horaire des nocturnes pendaisons
alors qu’une foule se prépare
à applaudir n’importe quoi
pourvu qu’elle applaudisse
même un poète défunt
qui prend sa tête entre les mains.
La foule disparue
dans un caveau collectif
je me précipite
vers le monument aux morts de 1870
pour y écouter le concert d’entrecôtes
prévu depuis des lustres
et annulé une fois encore.
Je poursuis dans l’allée
une perruque posée sur la tête d’un chat
afin de continuer ma visite
sans amertume
hormis celle de n’avoir pas rencontré
le nu assis sur un cierge
annoncé à grand renfort de publicité
par la société toulousaine des
Extravagances
mais je reviendrai
une autre nuit
et cette fois
je filmerai plus adroitement.
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Le
clou dans le papillon
Je
suis un clou
j’escalade
des montagnes
j’ai
peur
j’ai
froid
et
j’aime
par-dessus
tout
et
ce que j’aime
je
ne sais pas
ce
que c’est
car
ce que j’aime
par-dessus
tout
est
un merveilleux
mirage
qui
sort de la bouche
d’un
papillon
aveugle
de
naissance.
Pascal Ulrich - 15 novembre 2004
(in Diérèse
N°51 - Hiver 2010)
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Je
suis pieds nus sur le tapis
et
j'ai le cerveau qui est malade
à
force de penser
mon
cerveau est sur le tapis
et
je le foule avec mes pieds nus
mes
pieds nus sont dans mon cerveau
et
je suis malade comme un tapis
mon
tapis est sur mes pieds nus
et mon
cerveau est malade
à
force de fouler la pensée
Pascal
Ulrich -
2002
Fragile
philosophie
Improviser.
Dans
le bain.
J’éclabousse.
Improviser.
Dans
le bain des illusions.
Illisible
et alors ?
Il
y a quelque chose de lisible quelque part ?
Je
me frotte les yeux.
Et
avec quel outil et quel éclairage ?
Illisible
et alors ?
Sont-ils
lisibles oh la la et alors ?
Crypté ?
Un
rébus ?
Une
énigme ?
Me
poser des questions et pourquoi faire alors ?
Et
pourquoi et pourquoi et pourquois ?
Du
sens ?
Des
sens ?
Des
sens opposés ?
Contradictoires ?
Une
énigme ?
Un
rébus ?
Une
charade ?
Me
poser des questions ?
Laisser
des blancs pour la réponse
ou
les réponses
ou
les réponses contradictoires
ou
diamétralement opposées ?
Rêver ?
Musiquer ?
Dessiner?
Etre
libre ?
Souverain ?
Possible ?
Est-ce
que quelque chose existe ?
Est-ce
tout simplement possible ?
La
simplicité existe-t-elle ?
Et
quels sont les champs du possible ?
Les
masques ?
La
clarté ?
Etre
clair ?
Lisible ?
Transparent ?
Lisible ?
Ca
me fait rire !
Personne
n’est lisible
pour
personne.
Ouvrir
des brèches.
Méditation.
La
poésie
et
l’érotisme.
En
vrac, ma mémoire
et
des éclairs qui me passent
par
le dedans du dedans
qui
me donnent du désir,
du
plaisir,
des
sourires
et
une infinie fragilité
qui
est ma seule force.
Pascal Ulrich, 2002
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MIRA
Toute
la beauté
Dans
ses yeux
Les
yeux de la morte
Eventrée
Assise
sur une chaise
Et
tous ses doigts de pieds
Dans
une petite boite en carton
Et
tous ses silences
Dans
un petit verre bleu clair
Et
toute sa fantaisie
Dans
un ballon de baudruche
Je me
sens idiot
Je ne
sais pas quoi dire
Quand
je vais dans la pièce du fond
Et que
je la vois
Avec
son petit théâtre
Ses
petits tours
Ses
petites magies
Ses
farces et attrapes
Son
grand guignol à trois sous
Et son
petit air
Rigolo.
Pascal Ulrich, 2001
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Un cirque. Une réflexion. Une
respiration et un peu de tourbe pour recouvrir le sentiment. J’escalade. La
pierre est lourde. La musique me ramène au cœur de sa nuit. Dire et se taire.
Je me tais et je me dis. Je suis l’autre qui secoue ses tripes dans la nuit. La
vie. La nuit. Des épines de sel et un murmure. Je serpente. Je sentinelle.
J’éveille une taupe sous un glacier de souvenirs. Je glisse ma peur dans une
entaille. J’essore mes vertiges. Je parle à travers une passoire. Je recouvre
le tout d’une peinture noire. Et je pianote seulement quand c’est sec.
Vous en feriez autant à ma
place. Seulement voilà, je suis seul à ma place.
Pascal Ulrich, 2001
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LA
CONSTATATION
Bien
obligé d’avancer masqué
Quand
on a senti
Cerné
l’humanité
Qu’on
a descendu l’escalier
Jusqu’aux
catacombes
Quand
on sait
Qu’un
grain de sable
Peut
faire mourir un muet
En un
temps record
Quand
on sait
Que
les secousses présentées
Ne
sont que soubresauts
D’illusions
et ballons dorés
Quand
on sait
Que
cette piste au fond
N’est
que chemin mou
A s’y
noyer
Le
sourire étonné
De
tant de gerçures
Dans
l’interrogation
Du
dedans du dedans du dedans
Pascal
Ulrich, 2001
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Je pourrais être
un être d’amour
qui aimerait chacun
sur la Terre
juste une seconde
Je pourrais être
une once de certitude
un poil de conviction
ou bien encore
un mirage
dans le désert mental
Je pourrais être
le sens même et
cela serait encore
une absurdité
Je pourrais
être le pli
secret au
cœur d’un
cœur froissé
Je pourrais être
un sourire
autour du monde
qui se fout de
la Joconde
Je pourrais
être un éclair
de lucidité
dans l’esprit
des aliénés du
monde entier
Pascal Ulrich - 3 novembre 2003
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